96% de guérison : les Hospices Civils de Lyon dévoilent les résultats spectaculaires d’un nouveau traitement contre une forme de cancer de la grossesse

Développées à partir du placenta, les maladies trophoblastiques gestationnelles concernent environ 1 grossesse sur 1000, en France. Si la plupart sont bénignes, 10% d’entre elles peuvent engendrer des tumeurs cancéreuses, potentiellement mortelles. Après quatre ans d’étude, le Centre national de référence des maladies trophoblastiques des HCL, basé à l’hôpital Lyon Sud, vient de valider un traitement qui a permis d’éradiquer entièrement les tumeurs de 25 des 26 patientes suivies dans le cadre d’un essai clinique, un taux de réussite rarissime au niveau mondial. Cette avancée considérable contre cette forme de cancer de la grossesse a été présentée en détail, ce samedi 14 septembre, lors du congrès annuel de la Société Européenne d'Oncologie Médicale, à Barcelone.

« C’est un résultat exceptionnel, extrêmement rare dans l’histoire de l’oncologie. C’est l’une des premières fois que l’on parle de l’éradication d’un cancer ».

Il y a quatre ans, au moment de lancer l’étude TROPHAMET, les Professeurs Benoit YOU et Pierre-Adrien BOLZE suspectaient que l’association des deux types de traitement pour lutter contre certaines tumeurs trophoblastiques gestationnelles (TTG) produirait des résultats intéressants. Mais pas au point d’approcher un taux de guérison de 100%, rarement atteint dans l’histoire de la recherche contre le cancer, quel qu’il soit.

Survenant après une grossesse, généralement une grossesse môlaire mais parfois aussi après un accouchement, les TTG constituent la forme maligne des maladies trophoblastiques gestationnelles (lire encadré). Considérées comme des cancers rares, avec une estimation d’1 cas pour 10 000 grossesses, ces tumeurs trophoblastiques gestationnelles, pas toujours bien détectées, possèdent un fort potentiel métastatique et sont potentiellement mortelles en l’absence de traitement. Traditionnellement, ce dernier consiste en une chimiothérapie plus ou moins agressive, distinguant deux catégories de TTG : à "haut risque" ou à "bas risque" de résistance à la chimiothérapie. Cette catégorie de TTG à "bas risque" représente 80% de toutes les tumeurs trophoblastiques gestationnelles.

Combiner, pour la première fois, immunothérapie et chimiothérapie

C’est à cette catégorie que se sont intéressés les Professeurs Benoit YOU et Pierre-Adrien BOLZE dans le cadre de l’étude TROPHAMET, dont le résultat, « exceptionnel », sera présenté ce samedi 14 septembre, lors du congrès annuel de la Société Européenne d'Oncologie Médicale, à Barcelone. Respectivement oncologue et chirurgien gynécologue, les deux médecins sont membres du Centre de référence des maladies trophoblastiques. Créé en 1999 à l’hôpital Lyon Sud-HCL et dirigé par le Pr François GOLFIER, ce centre unique en France pilote le suivi de toutes les patientes touchées par des maladies trophoblastiques gestationnelles sur le territoire national, dont celles atteintes de TTG, se développant au décours ou pendant une grossesse et apparentées à une forme de "cancer de la grossesse".

« En tant qu’oncologue médical, je donne des avis sur la chimiothérapie pour ces maladies et je suis aussi responsable du CLIP2 des HCL, centre d’essais cliniques de phases précoces labélisé par l’Institut National du Cancer. Par le passé, nous avons eu l’opportunité d’évaluer l’efficacité d’options thérapeutiques innovantes, afin de faire bénéficier les patientes de traitements modernes. Nous avions notamment travaillé sur un traitement contre les TTG résistantes à la chimiothérapie. Notre étude clinique inédite, TROPHIMMUN, avait montré l’efficacité de l’immunothérapie, via un anticorps, l’avelumab. A la suite de ces résultats favorables, notre intuition était que cette immunothérapie pouvait aussi fonctionner avant l’émergence de la résistance sur les TTG à "bas risque", en complément de la chimiothérapie classique », relate le Pr Benoit YOU.

26 patientes recrutées dans la France entière

En avril 2020, l’oncologue et le Pr BOLZE lancent l’étude TROPHAMET avec l’objectif d’observer les effets de l’association entre immunothérapie (via la diffusion d’avelumab en intraveineux) et chimiothérapie (via l’injection en intramusculaire du médicament méthotrexate, habituellement utilisé).

« Avec le méthotrexate seul, le taux de guérison des TTG à "bas risque" était d’environ 70%. L’objectif était de dépasser cela », souligne le Pr BOLZE.

Dans un premier temps, les deux médecins recrutent six patientes afin de vérifier que les deux thérapies, immuno et chimio, peuvent être combinées, ce qui n’avait jamais été réalisé auparavant. Cette première phase "de sécurité" validée, ils se mettent en quête d’un plus grand nombre de patientes pour déclencher la phase II, l’étude clinique à proprement parler. Entre fin 2020 et fin 2023, 26 patientes volontaires sont enrôlées dans neuf établissements de santé du territoire national1, tous affiliés au réseau du Centre de référence des maladies trophoblastiques de Lyon Sud et spécialisés dans les essais cliniques de phase précoce en gynécologie (certains étant aussi CLIP2) - « Sans cette coordination unique au monde dans le suivi des patientes atteintes de TTG offerte par le Centre Français de Référence, cette étude n’aurait jamais pu être menée », souligne le Pr Jean Pierre LOTZ, responsable du centre investigateur parisien (Hôpital Tenon, APHP).

« Nous ne sommes plus très loin de l’éradication totale de ce type de cancers de la grossesse »

Savamment élaborée, la double-thérapie mise en place auprès de chaque patiente est méthodique : 1 injection de méthotrexate un jour sur deux pendant une semaine, répétée de cette manière toutes les deux semaines, et, au premier jour de chimio, 1 injection d’avelumab (toutes les deux semaines, donc). Ensuite, le taux de hCG (hormone chorionique gonadotrope, produite au cours de la grossesse) est surveillé chaque semaine. « Tant que cette hormone est présente à des taux anormaux, cela indique que la maladie est active. Dès que le taux se normalise, on repart sur trois dernières cures, donc six semaines, puis on arrête tous les traitements », décrit l’oncologue.
En mai 2024, après l’arrêt des traitements de la 26e et dernière patiente recrutée pour l’étude, Benoit YOU et Pierre-Adrien BOLZE peuvent dresser le bilan de TROPHAMET.

« Initialement, nous espérions monter à 85% de guérison, soit 22 patientes. Finalement, nous sommes arrivés à guérir totalement 25 de nos 26 patientes, soit 96% ! En considérant que nous étions parvenus à guérir 1 patiente sur 2 atteintes de TTG résistantes à la chimiothérapie avec TROPHIMMUN, cela signifie que nous ne sommes plus très loin de l’éradication totale de l’intégralité des tumeurs trophoblastiques gestationnelles. C’est une avancée considérable, certainement la plus importante des 15 dernières années concernant ce type de pathologies », se félicite le Pr BOLZE.

 

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Les maladies trophoblastiques gestationnelles, c’est quoi ?
Prenant naissance dans les cellules qui forment le placenta durant la grossesse, les maladies trophoblastiques gestationnelles regroupent un large spectre de pathologies bénignes ou malignes qui débutent dans l’utérus.
La forme la plus fréquente (1 grossesse pour 1000 en France) est la môle hydatiforme. Elle est initialement bénigne et ressemble à une grossesse débutante, mais l’embryon ne se développe pas, seul le placenta prolifère. Dans 20% des cas, elle se transforme en tumeur trophoblastique gestationnelle (TTG) dite à « bas risque », souvent métastatique et potentiellement mortelle. Plus rarement, une TTG peut se développer après un accouchement normal et elle est généralement classée en « haut risque ».
C’est notamment pour la prise en charge de ces TTG, affections rares, peu connues des médecins et souvent mal diagnostiquées, qu’a été créé, en 1999, le Centre de référence des maladies trophoblastiques, à l’hôpital Lyon Sud par le Pr Golfier, labélisé Centre Tumeurs Rares par l’Institut National du Cancer.
Unique en France, il réunit des praticiens de diverses disciplines (gynécologues-obstétriciens, oncologues, radiologues, anatomopathologistes et biologistes), dont la collaboration a permis de nombreuses avancées significatives et un leadership international au cours des 25 dernières années avec près de 15 0000 patientes enregistrées à ce jour.

Hasard du calendrier, au moment où l’étude TROPHAMET s’achève, Lyon aura l’honneur d’accueillir, pour la toute première fois, le congrès mondial des maladies trophoblastiques gestationnelles. Réunissant, tous les deux ans, la communauté internationale des médecins en charge de ces pathologies, ce 22e congrès se déroulera du 22 au 25 octobre au Palais Hirsch, sous la direction, notamment, des Prs GOLFIER et BOLZE. 👉 www.isstd-congress.com