Un algorithme d’intelligence artificielle pour le diagnostic des leucémies aiguës

Un outil développé par une équipe multicentrique de médecins et chercheurs et présenté dans la revue Lancet Digital Health pourrait faciliter la prise en charge de la leucémie : à partir d’une simple prise de sang, l’intelligence artificielle permet, parmi les trois différents sous-types de leucémies, d’identifier précisément celui qui affecte un patient. De quoi orienter rapidement les patients lorsque l’expertise cytologique, sur laquelle repose actuellement le diagnostic, n’est pas disponible.

Les leucémies aiguës sont des maladies graves appartenant à la famille des cancers de la moelle osseuse. Du fait de leur évolution rapidement fatale en l’absence de prise en charge adaptée, leur diagnostic précoce est un élément clé pour améliorer la survie des patients. Cependant, une fois le diagnostic suspecté sur une prise de sang, la confirmation diagnostique nécessite l’expertise d’un cytologiste ainsi que plusieurs examens spécialisés de la moelle osseuse pouvant prendre plusieurs jours.

On distingue actuellement trois grands types de leucémies aiguës qui ont un impact majeur sur la prise en charge : les leucémies aiguës myéloïdes (LAM), les leucémies aiguës promyélocytaires (LAP) et les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL). La reconnaissance d’une LAP est toujours une urgence, ce type de leucémie aiguë nécessitant de débuter un traitement spécifique permettant d’éviter les complications de la maladie responsable d’une mortalité précoce. Pour les deux autres types, les LAM et LAL, le diagnostic rapide est également nécessaire pour guider le traitement d’urgence, particulièrement chez les patients présentant des complications pouvant nécessiter un passage en réanimation.

 A l’heure actuelle, seule une expertise cytologique permet de rendre un résultat rapide. Outre le risque d’erreur, cette expertise n’est par ailleurs pas disponible de façon universelle, restant réservée aux grands centres et difficile d’accès dans les centres non experts ou bien les pays en voie de développement. Il n’existe en outre aucun outil fiable permettant d’orienter le diagnostic des leucémies aiguës en urgence.

Une équipe de médecins et chercheurs, composée notamment du Pr Pierre SUJOBERT et du Dr Vincent ALCAZER, des services d’hématologie biologique et d’hématologie clinique de l’hôpital Lyon Sud, a mis au point un algorithme d’intelligence artificielle permettant la reconnaissance des trois principaux types de leucémies aiguës (LAL, LAM et LAP) en se basant uniquement sur les résultats d’une simple prise de sang réalisable dans n’importe quel centre et sans expertise cytologique requise. Ce travail, présenté dans la prestigieuse revue Lancet Digital Health, est le fruit d’une collaboration avec plusieurs centres en France : les CHU de Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, Nantes, Henri Mondor et Cochin. Basé sur plus de 1600 patients, un algorithme XGBoost (Extreme Gradient Boosting) a été entrainé à reconnaitre les trois principaux sous types de leucémies en se basant uniquement sur les paramètres du bilan sanguin. Un outil a ensuite été construit sur la base de cet algorithme (AI-PAL pour Artificial Intelligence Prediction of Acute Leukemia) et été rendu disponible sous forme de logiciel en ligne (https://alcazerv.shinyapps.io/AIPAL/). Le logiciel rend ainsi deux types de prédictions qui ont été validées sur quatre cohortes indépendantes de validation (c’est-à-dire des données que l’algorithme n’avait jamais vues auparavant) : en cas de prédiction rendue « confiante », le modèle atteint une précision de 99,5% pour la reconnaissance des LAL, 98,8% pour les LAM et 99,7% pour les LAP. En cas de modèle rendu « non confiant », le modèle atteint une précision de 87,9% pour la reconnaissance des LAL, 86,3% pour les LAM et 96,1% pour celle des LAP. Ces résultats ont également été confirmés sur une cohorte prospective de 381 patients provenant des CHU de Lyon, Clermont-Ferrand et Grenoble.

Ce nouvel outil devrait donc permettre la reconnaissance des trois principaux sous-types de leucémies aiguës dans des situations où l’expertise cytologique n’est pas disponible ou bien lorsque celle-ci n’arrive pas à trancher. Outre les centres non experts et les pays en voie de développement, cet algorithme devrait permettre de guider les traitements d’urgence notamment chez les patients présentant des complications au diagnostic et hospitalisés en réanimation.

Voir aussi
Dernière mise à jour le : mer 24/04/2024 - 16:47
Blocs libres

Evaluation of a machine-learning model based on laboratory parameters for the prediction of acute leukaemia subtypes: a multicentre model development and validation study in France
Vincent Alcazer, Grégoire Le Meur, Marie Roccon, Sabrina Barriere, Baptiste Le Calvez, Bouchra Badaoui, Agathe Spaeth, Olivier Kosmider, Nicolas Freynet, Marion Eveillard, Carolyne Croizier, Simon Chevalier, Pierre Sujobert.
Consultez l'article du Lancet

Image
Pr Pierre SUJOBERT et Dr Vincent ALCAZER
Pr Pierre SUJOBERT et Dr Vincent ALCAZER