Insuffisance cardiaque : des spécificités féminines encore sous-estimées

Le cœur des femmes n’est pas celui des hommes. En matière d’insuffisance cardiaque, les différences entre sexes vont bien au-delà de l’anatomie et plaident « pour une approche médicale distincte », souligne le Pr Nathan Mewton, responsable recherche à l’institut de cardiologie des HCL.

« Le cœur des femmes est plus petit et sa puissance représente environ 84 % de celle d’un homme, à poids et taille égaux », rappelle le Pr Mewton.  Cette différence morphologique, combinée à une plus grande proportion de tissu graisseux et à un volume plasmatique inférieur, a des conséquences métaboliques notables. Or, la plupart des traitements sont encore calibrés sur des cohortes masculines.

Chez les femmes, l’insuffisance cardiaque est souvent à fraction d’éjection préservée1, avec de nombreux déséquilibres métaboliques cardiaques. Par ailleurs, les voies physiopathologiques activées ont des spécificités liées au sexe : « Les femmes présentent une activation accrue des mécanismes liés au métabolisme lipidique, quand les hommes sont plus sujets aux voies neuro-inflammatoires », précise le cardiologue. Avant la ménopause, les œstrogènes offrent une protection cardiovasculaire, mais celle-ci disparaît brutalement une fois la ménopause installée, ce qui augmente les risques cardiovasculaires. La substitution hormonale, notamment, reste controversée chez les patientes insuffisantes cardiaques.

Plus d’effets secondaires mais une meilleure survie

La sensibilité accrue des femmes aux facteurs de risque cardiovasculaires est également documentée. « Une femme de 30 ans fumeuse a un risque accru de 30 % par rapport à un homme du même profil ». Et l’espérance de vie diminue davantage chez elles : moins treize ans en cas de facteurs de risque multiples, contre moins dix ans chez les hommes. Grossesse, prééclampsie2, diabète gestationnel et ménopause représentent donc des risques supplémentaires, encore trop peu pris en compte. À ces déterminants biologiques s’ajoutent des facteurs sociaux : accès aux soins inégal, stress chronique, charge mentale, voire violences domestiques.
Malgré des symptômes souvent plus sévères et une qualité de vie altérée, les femmes présentent paradoxalement une meilleure survie que les hommes en insuffisance cardiaque. Mais elles sont aussi plus sujettes aux effets secondaires des traitements de 50 à 70 %. « Elles semblent répondre à des doses plus faibles, comme on l’a observé avec les bêtabloquants ou les inhibiteurs de l’enzyme de conversion3 », souligne le spécialiste.

Or, faute d’études dédiées, les recommandations actuelles ne prévoient pas d’ajustement spécifique pour les femmes. « Il est essentiel de considérer l'insuffisance cardiaque chez la femme comme distincte de celle chez l'homme en raison des différences physiologiques, hormonales, de la sensibilité aux facteurs de risque, de la présentation clinique et de la réponse aux traitements », insiste le Pr Nathan Mewton. C’est pourquoi des recherches ciblées s’imposent, notamment chez les patientes hypertendues, diabétiques, en prééclampsie ou en périménopause et, bien sûr, chez les patientes insuffisantes cardiaques.

Dans l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée, la contraction des ventricules est préservée mais c’est le remplissage du ventricule gauche qui est principalement altéré.
Complication de la grossesse résultant d’un dysfonctionnement du placenta.
Traitement de l’insuffisance cardiaque.
 

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