Une étude menée aux HCL révèle un écart de traitement lié au sexe dans la sclérose en plaques
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire chronique du système nerveux central (SNC). Elle touche environ 130 000 personnes en France et représente la première cause de handicap non traumatique de l’adulte jeune. Les avancées de la recherche médicale ces vingt dernières années ont cependant révolutionné la prise en charge de la SEP, avec l’arrivée de traitements empêchant les poussées et l’accumulation du handicap.
Les équipes des Hospices Civils de Lyon allient leur expertise sur les pathologies inflammatoires du système nerveux central, reconnue à l’international, une grande base de données nationale, l’Observatoire Français de la Sclérose en Plaques (OFSEP), et des compétences innovantes et pointues en biostatistiques pour réaliser de nombreux projets de recherche, qui peuvent changer la prise en charge des femmes vivant avec une SEP.
Plusieurs travaux de recherche menés aux HCL ont démontré que le pronostic à long terme de la SEP n’était pas modifié par la maternité (1) et ont identifié les meilleures stratégies thérapeutiques dans le contexte de la grossesse (2). Ce dernier travail publié dans Neurology en août (3) partait d’un constat clinique, celui que les femmes, notamment celles qui envisageaient une grossesse, étaient moins traitées, ou traitées avec des médicaments moins efficaces.
Pour cette nouvelle recherche, les données de l’Observatoire Français de la Sclérose en Plaques, entre 1997 et 2023, ont été exploitées pour comparer l’utilisation des traitements de fond chez les hommes et les femmes entre 18 et 40 ans.
Ces données révèlent que les femmes étaient moins traitées que les hommes, à niveaux d’activité et de sévérité de maladie équivalents et en supprimant l’année de la grossesse (où les femmes sont « normalement » moins traitées). Cette différence est globalement de 8% pour tous les traitements, mais elle atteint 20% pour les traitements les plus récents dits de haute efficacité. Si l’étude ne permet pas de déterminer les raisons de cette inertie thérapeutique chez les femmes, l’anticipation d’une grossesse à venir joue probablement un rôle important, par méconnaissance de l’utilisation des traitements dans le contexte de grossesse, et par fausse réassurance sur le caractère naturellement protecteur de la grossesse sur le risque de poussées, par les neurologues comme par les patientes elles-mêmes.
Cette étude met en évidence, pour la première fois, l’inertie thérapeutique induite par le sexe, avec la sous-exposition aux traitements de fond des femmes ayant une SEP en âge de procréer, comparativement aux hommes. L’hypothèse est que cette inertie pourrait être due à l’anticipation d’une éventuelle grossesse, alors même que de nombreux médicaments pourraient aujourd’hui être poursuivis.
Ainsi, les données actuelles sur les traitements de fond permettent de proposer une solution thérapeutique personnalisée, sûre pour la grossesse et le fœtus, quelle que soit la gravité de la maladie. Cela permet d’éviter de longues périodes sans traitement, qui font courir un risque plus grand de handicap à long terme. Aux Hospices Civils de Lyon, le centre expert (appelé centre de recherche, ressources et compétence pour la sclérose en plaques) met à disposition des consultations de planification et de suivi de la grossesse pour les femmes ayant une SEP ou une maladie rare apparentée, et organise deux à trois fois par an des journées d’éducation thérapeutique sur le thème de la grossesse.
(1) Investigating the Long-term Effect of Pregnancy on the Course of Multiple Sclerosis Using Causal Inference.
Gavoille A, Rollot F, Casey R, Debouverie M, Le Page E, Ciron J, De Seze J, Ruet A, Maillart E, Labauge P, Zephir H, Papeix C, Defer G, Lebrun-Frenay C, Moreau T, Laplaud DA, Berger E, Stankoff B, Clavelou P, Thouvenot E, Heinzlef O, Pelletier J, Al Khedr A, Casez O, Bourre B, Cabre P, Wahab A, Magy L, Camdessanche JP, Maurousset A, Moulin S, Ben NH, Boulos DD, Hankiewicz K, Neau JP, Pottier C, Nifle C, Rabilloud M, Subtil F, Vukusic S; Observatoire Français de la Sclérose en Plaques (OFSEP) Investigators. Neurology. 2023 Mar 21;100(12):e1296-e1308.
(2) Therapeutic Management During Pregnancy and Relapse Risk in Women With Multiple Sclerosis.
Gavoille A, Rollot F, Casey R, Mathey G, Le Page E, Ciron J, De Sèze J, Ruet A, Maillart E, Labauge P, Zephir H, Kwiatkowski A, Papeix C, Defer G, Lebrun-Frenay C, Moreau T, Laplaud DA, Berger E, Dubessy AL, Clavelou P, Thouvenot E, Heinzlef O, Pelletier J, Al-Khedr A, Casez O, Bourre B, Wahab A, Magy L, Moulin S, Camdessanché JP, Doghri I, Sarov-Riviere M, Hankiewicz K, Pottier C, Dos Santos A, Nifle C, Subtil F, Vukusic S; OFSEP Investigators. JAMA Neurol. 2025 Aug 4:e252550.
(3) Sex-Related Gap in the Use of Disease-Modifying Therapies in Multiple Sclerosis.
Gavoille A, Leray E, Marignier R, Rollot F, Casey R, Mathey G, Michel L, De Seze J, Ciron J, Ruet A, Maillart E, Labauge P, Zephir H, Laplaud DA, Papeix C, Defer G, Moreau T, Berger E, Dubessy AL, Clavelou P, Thouvenot E, Heinzlef O, Pelletier J, Al Khedr A, Casez O, Bourre B, Wahab A, Magy L, Camdessanche JP, Doghri I, Moulin S, Labeyrie C, Hankiewicz K, Dos Santos A, Pottier C, Manchon E, Tchikviladze M, Lebrun-Frenay C, Vukusic S; OFSEP investigators. Neurology. 2025 Aug 26;105(4):e213907.

Sandra VUKUSIC est neurologue, cheffe du service de Neuro-Inflammation à l’Hôpital Neurologique. Elle coordonne scientifiquement depuis 2013 l’Observatoire Français de la Sclérose en Plaques, grande cohorte nationale comprenant les données de plus de 85.000 patients. Une de ses thématiques de recherche principale est la grossesse chez les femmes présentant des pathologies inflammatoires du système nerveux central, sclérose en plaques et maladies rares apparentées.
Antoine GAVOILLE a une double formation de neurologie et de biostatistiques, initiée dès son internat par un double cursus. Il est actuellement doctorant en biostatistiques dans l’équipe Biostatistiques Santé du Département Statistiques et Modélisation pour les Sciences de la Santé des Hospices Civils de Lyon. Après un séjour d’une année dans un laboratoire de biostatistiques appliquées aux pathologies inflammatoires du système nerveux central à Melbourne en Australie, il prendra en novembre 2026 des fonctions d’assistant-chef de clinique dans le service de Neuro-inflammation de l’Hôpital Neurologique.
L’OFSEP est gouverné par un consortium associant l’Université Claude Bernard Lyon 1 (UCBL), les Hospices Civils de Lyon (HCL) et la Fondation Eugène Devic EDMUS contre la sclérose en plaques, reconnue d’utilité publique. Le financement de l’OFSEP a été initialement assuré par l’Agence Nationale de la Recherche et le Programme Investissement d’Avenir de 2010 ; il se poursuit grâce à un multi-partenariat industriel.
