« Associer son activité clinique à la recherche est une évidence », Dr Paul Clottes, neurologue
Son parcours hospitalo-universitaire témoigne de sa conviction que « Tout médecin exerçant dans un CHU contribue d’une manière ou d’une autre à la recherche médicale », que ce soit en participant aux protocoles de recherche ou en s’impliquant personnellement dans l’investigation scientifique.
Actuellement chef de clinique dans le service neurologie vasculaire à l’hôpital Pierre Wertheimer, Paul Clottes poursuit en marge de son activité de praticien hospitalier, une thèse de science qu’il devrait soutenir en 2027. Diplômé de la faculté de médecine Lyon Est (Université Lyon 1), c’est d’abord comme externe puis comme interne qu’il a découvert la neurologie et développer le goût pour la recherche.
Dans le service de neurologie - sclérose en plaques, pathologies de la myéline et neuro-inflammation de Sandra Vukusic, il trouve sa spécialité : « J’étais en quatrième année de médecine et je me suis dit c’est ça que je veux faire… » Autrement dit, devenir spécialiste en neurologie.
« Les diagnostics sont compliqués, tels un casse-tête à résoudre. On avance comme dans une enquête, en posant des questions au patient et en approfondissant l’examen clinique. Intellectuellement, c’est stimulant et humainement, c’est riche d’enseignements. »
Durant cette période, l’externe prend l’initiative de visiter les malades dans leur chambre. Il se rend compte que la plupart d’entre eux ont une très faible compréhension du traitement, des contours de leur pathologie. « Or, pour bien se prendre en charge, il faut comprendre ce qui nous arrive. » Pédagogue, il prend le temps d’écouter, de répondre aux questions des patients, d’expliquer la maladie et son traitement.
Ce n’est qu’une fois devenu interne qu’il choisira la neurologie vasculaire comme surspécialité. Il apprécie également le fait que le neurologue vasculaire tienne le rôle de coordinateur de la prise en charge, en lien avec les neuroradiologues, les neurochirurgiens, les infirmiers et les aides-soignants. Et, cerise sur le gâteau, la discipline est effervescente aussi bien dans le domaine du soin que dans la recherche.
Dans ce CHU apprenant et enseignant, les médecins et chercheurs expérimentés représentent de véritables mentors qui vont lui ouvrir de nouvelles perspectives. L’interne participe à des protocoles de recherche et, rapidement, il décide d’approfondir ses connaissances en complétant sa formation avec un master en science. Il intègre l’équipe Iris (laboratoire Carmen) et étudie la physiopathologie des syndromes d’ischémie-reperfusion dans le cerveau. L’approche est fondamentale, translationnelle et clinique. Il est encadré par Élodie Ong, médecin chercheure du service de neurologie vasculaire : « Elle m’a fait comprendre qu’il est normal, en tant que médecin de CHU, d’associer la recherche à son activité clinique. » Depuis, la neuroprotection, soit la possibilité de protéger les neurones par des moyens pharmacologiques lors d’un accident ischémique cérébral, occupe une place centrale dans ses recherches.
Le microbiote, marqueur du système immunitaire
La prise en charge de l’infarctus cérébral ou accident vasculaire cérébral ischémique, a fortement évolué au cours des dernières décennies. En 2024, pour restaurer la perfusion cérébrale, c’est-à-dire la vascularisation de l’artère obstruée par un caillot, préserver la partie du cerveau impactée par l’ischémie (qui a manqué d’oxygène) et ainsi réduire le handicap, deux techniques sont utilisées : la thrombectomie mécanique (extraction du caillot par cathéter) ou la thrombolyse (injection médicamenteuse). Cependant, en dépit d’une intervention précoce, dans environ 50 % des cas, la clinique du patient évolue mal.
« La réouverture brutale du flux sanguin provoquée par nos techniques de reperfusion provoque des dommages secondaires, appelées lésions d’ischémie-reperfusion. Le système immunitaire peut jouer un rôle négatif dans cette situation, notamment s’il est trop « actif » durant cette phase. On dit qu’il est pro-inflammatoire ». Depuis plusieurs années, l’axe de recherche emprunté pour protéger les neurones des lésions d’ischémie-reperfusion suit la piste pharmacologique. Mais, pour l’instant, aucune molécule n’a démontré son efficacité chez l’humain.
En 2023, Paul Clottes compte parmi les quinze lauréats de l’appel à projets « jeunes chercheurs » des HCL. Son projet, nommé Stroke-Biota, pointe l’impact du microbiote intestinal et de ses métabolites sur le pronostic après un AVC ischémique. « Toutes les muqueuses de l’organisme en contact avec l’extérieur sont colonisées par des milliards de bactéries, de virus, de champignons : le microbiote. À tel point qu’il y a dans le corps humain plus de cellules du microbiote que de cellules humaines. Les interactions entre ces microorganismes et notre organisme sont donc inévitables et multiples. »
Nos cellules immunitaires, les globules blancs ou leucocytes, interagissent en permanence avec le microbiote intestinal. C’est pourquoi toute modification du microbiote a un impact sur notre système immunitaire. Or, le microbiote varie selon l’âge, le sexe, l’environnement, l’alimentation, la maladie, etc. Par exemple, le microbiote d’une personne végétarienne n’aura pas les mêmes caractéristiques que le microbiote d’une personne consommatrice régulière de viande rouge, un aliment favorisant l’inflammation.
Intestin, microbiote, cerveau : un axe d’investigation prometteur
Le cerveau et les intestins communiquent notamment via le nerf vague. L’information neuronale va dans les deux sens entre le microbiote intestinal et le cerveau. On parle d’axe « intestin, microbiote, cerveau ». Le projet de recherche de Paul Clottes est encadré par Laura Mechtouff, cheffe de service adjointe en neurologie vasculaire à l’hôpital Pierre Wertheimer et coordinatrice de la cohorte Hibiscus-Stroke. Cette vaste étude a déjà permis de démontrer entre autres que l’Interleukine-6 était un marqueur associé à un pronostic défavorable chez les patients qui ont eu un AVC. L’investigation de Paul Clottes suit cette même logique mais cette fois-ci en émettant l’hypothèse que certains types de microbiotes sont eux aussi associés à un mauvais pronostic. « Le microbiote variant en permanence, comment faire pour déterminer qu’un microbiote est pathologique ? Par l’intermédiaire des marqueurs biologiques. Ont déjà été identifiées les effets délétères ou protecteurs de certaines molécules sécrétées par le microbiote, les métabolites, dans les maladies cardiovasculaires. Il est donc assez logique que ces marqueurs jouent un rôle dans l’AVC. Par ailleurs, les études actuelles les plus concluantes proviennent d’Asie. Il est indubitable que nous ne trouverons pas les mêmes types de microbiotes corrélés au risque accru de récidive dans une population occidentale. »
Ces recherches en cours pourraient ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques, visant à modifier le microbiote des patients, « en prescrivant des prébiotiques, des probiotiques ou une transplantation fécale. Ces traitements associés à ceux donnés actuellement pour prévenir la récidive réduirait d’autant plus ce risque. »
« Je crois énormément dans le service public »
Quand on est médecin dans un CHU, s’ouvrir à la recherche est devenu une évidence pour le docteur Clottes :
« Grâce à tous ceux qui m’ont encadré, dont le professeur Tae Cho (chef du service de neurologie vasculaire, ndr) et m’ont guidé sur les voies de la recherche, je peux aujourd’hui développer mes propres voies d’investigation. »
Héritier d’expériences passées, ce jeune trentenaire s’inscrit avec reconnaissance dans les pas de ses pairs qui l’ont précédé. L’avenir, il ne le voit pas ailleurs qu’au CHU : « Je crois énormément dans le service public. C’est là que je me sens le mieux. »
La mission d’enseignement lui tient à cœur également si ce n’est plus, mission qui vient enrichir son activité de recherche. Et, cette activité de recherche, il ne la conçoit pas sans l’associer à son activité clinique, auprès des patients. « Transmettre aux patients comme aux étudiants, c’est la même démarche, tout le monde y gagne. »