Actsoma, l’étude exploratoire qui évalue le risque d’être atteint de la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer est la plus fréquente des maladies neurodégénératives, représentant plus de 70% des cas. Néanmoins, seule une personne sur deux est diagnostiquée et souvent tardivement. L’étude Actsoma, dont les HCL sont le promoteur, pourrait permettre d’améliorer le diagnostic avec en ligne de mire une meilleure qualité de vie du patient et de son entourage.

L’étude prévoit d’inclure 250 participants sur dix-huit mois, dont 200 participants sains, âgés de 20 à 85 ans, et 50 patients atteints de la maladie d’Alzheimer entre 50 et 85 ans aux stades léger et modéré. Cette étude qui a démarré en mars 2024 se démarque par ses objectifs. Elle est la première à associer quatre facteurs d’analyse dans une population de patients atteints de maladie d’Alzheimer en comparaison avec des sujets sains de même âge. Vont être étudiés « deux marqueurs cognitivo- comportementaux, les mouvements oculaires et la navigation spatiale, ainsi qu’un marqueur biologique et un facteur de risque génétique », informe le docteur Antoine Garnier-Crussard, gériatre aux Hospices Civils de Lyon et coordinateur de l’étude.

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Docteur Antoine Garnier-Crussard, HCL
Docteur Antoine Garnier-Crussard, HCL

 

« L’ambition est de pouvoir sélectionner les patients chez lesquels on estimera que des examens complémentaires sont nécessaires, avec l’objectif que ce début de diagnostic soit accessible aux médecins traitants », indique Antoine Coutrot, chercheur CNRS au laboratoire Liris et responsable scientifique de l’étude.

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Antoine Coutrot, chercheur CNRS au laboratoire Liris
Antoine Coutrot, chercheur CNRS au laboratoire Liris

Une base de données planétaires

Tout a commencé en 2016, avec la création de Sea Hero Quest, un jeu vidéo financé par l’opérateur allemand Deutsche Telekom en collaboration avec des neuroscientifiques britanniques dont Antoine Coutrot, alors en contrat postdoctoral à l’University College de Londres. Ce jeu sur smartphone a été conçu dans le but de repérer les premiers signes de la maladie d’Alzheimer. Le jeu consiste à planifier le trajet d’un bateau à partir d’une carte de navigation jalonnés de bouées dans un ordre précis. Dans un temps imparti, le joueur va devoir diriger le bateau et effectuer le trajet le plus optimal possible… La navigation spatiale, c’est la fonction cognitive qui nous permet de nous orienter et de nous déplacer dans l’espace en se construisant une représentation mentale de notre environnement. Cette capacité cognitive est l’une des premières altérées chez les personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer. C’est pourquoi la navigation dans l’espace d’une personne atteinte par la maladie sera plus longue entre un point A et un point B que celle d’une personne saine. 
 « De nombreux paramètres peuvent affecter notre navigation spatiale, comme notre style de vie, le lieu où l’on a grandi, notre culture, notre âge, etc. Séparer la composante pathologique de ces facteurs non-pathologiques, c’est ce qu’a permis le jeu par le recueil des trajectoires des quatre millions de joueurs en provenance de tous les pays du monde et aux profils socio-démographiques variés », expliquent-ils. Cette base de données planétaires est donc très prometteuse pour évaluer les performances en navigation spatiale au cours du vieillissement normal et au cours du vieillissement pathologique.
L’étude lyonnaise va plus loin en mesurant les mouvements oculaires des participants. « Il est acquis que le vieillissement normal et le vieillissement pathologique affectent l’attention visuelle. L’analyse conjointe de la navigation spatiale et de l’attention visuelle n’a jamais été réalisée dans le cadre d’une telle recherche. L’hypothèse est que cette analyse permettra une compréhension plus fine des stratégies cognitives déployées et donc des mécanismes sous-jacents », expliquent les chercheurs.
À ces deux signaux cognitifs, les investigateurs vont associer des marqueurs biologiques. Le premier est la protéine tau qui intervient dans la structure des neurones. Dans la maladie d’Alzheimer, la protéine est anormalement abondante et phosphorylée (riche en phosphate). Le deuxième marqueur biologique est l’allèle 4 du gène APOE, dont la présence dans l’ADN augmente le risque de développer la maladie d’Alzheimer au cours de sa vie.
Cette étude multicentrique mobilise trois équipes du Centre mémoire ressources recherche des Hospices Civils de Lyon. Les patients atteints par la maladie d’Alzheimer seront vus en consultation à l’hôpital des Charpennes, à l’hôpital Lyon Sud et à l’hôpital Pierre Wertheimer.

L’étude Actsoma mobilise des ressources en gériatrie, neurologie, sciences cognitives, bioinformatique, biologie et recherche clinique, soit une dizaine de chercheurs, cliniciens, internes et étudiants.

À terme, les retombées de l’étude en cours actuellement pourraient déboucher sur une investigation à plus grande échelle pour confirmer l’intérêt d’enrichir l’arsenal diagnostic de la maladie d’Alzheimer.

Dernière mise à jour le : mer 17/04/2024 - 23:04
Blocs libres

Santé publique et recherche citoyenne
Du 13 au 28 avril, les chercheurs ont installé un stand au musée des Confluences. L’occasion de sensibiliser les visiteurs à la prévention de la maladie d’Alzheimer, de recruter des volontaires dans la population générale pour participer à l’étude, et aussi, de partager une démarche scientifique citoyenne au plus près des enjeux de santé publique.

On estime à plus de 35 millions dans le monde, et à plus de 6 millions en Europe, le nombre de personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer. Chaque année en France, 225 000 nouveaux cas sont recensés. Un million de personnes sont atteintes par la maladie d’Alzheimer, parmi elles, 15% ont plus de 80 ans, et 30 000 ont moins de 60 ans. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de malades atteints par cette maladie neurodégénérative devrait doubler tous les vingt ans.