« J’ai besoin de comprendre pour mieux soigner », Éléonore Brocard, IPA en gériatrie
Dès ses études, Éléonore Brocard a été conduite à questionner sa pratique. C’est en Angleterre qu’elle a suivi sa formation d’infirmière. Le cursus à l’époque se distinguait déjà du modèle hexagonal. Ses professeurs ? Des infirmiers diplômés qui enseignaient et menaient des recherches comme tout universitaire. Très tôt donc, cette fervente admiratrice de Florence Nightingale* a été sensibilisée à l’investigation scientifique, à la rigueur des protocoles de recherche, à cette volonté d’approfondir les connaissances.
Après dix ans d’exercice professionnel outre-Manche, dans des services d’urgence à Londres et Brighton, et un tour du monde d’un an, la franco-britannique revient non sans appréhension sur sa terre natale : « J’avais trente ans, j’avais grandi professionnellement dans un autre pays, avec ses parallèles et ses différences. Je ne savais pas trop comment j’allais vivre ce mini-choc culturel. »
C’est à Lyon, où elle a de la famille qu’elle pose ses valises. Il n’est pas question de travailler ailleurs que dans le service public : « Ce qui m’intéresse, c’est prendre soin de tout le monde, sans aucune discrimination. Ces valeurs professionnelles sont ancrées profondément en moi. »
Infirmière et recherche clinique : une double compétence
Elle débute en 2004 une nouvelle carrière aux Hospices Civils de Lyon. D’abord auprès du Pr Marc Nicolino, chef du service d’endocrinologie pédiatrique où l’équipe médico-soignante développe les premiers ateliers d’éducation thérapeutique du patient. Rapidement, les médecins perçoivent son appétence pour la recherche. « J’assistais aux congrès professionnels d’endocrinologie et me portais volontaire pour participer aux protocoles de recherche. »
Pendant quatre ans, l’infirmière va concilier soin et recherche en endocrinologie pédiatrique, soutenue par la docteure Patricia Bretones, pédiatre. Elle a suivi une formation d’attachée de recherche clinique à Paris, avant d’intégrer le centre d’investigation clinique où elle exercera de 2008 à 2014. Cette nouvelle compétence lui permet de mettre en place des protocoles, en plus des soins prodigués aux patients dans le cadre de la recherche clinique.
En 2014, elle rejoint l’équipe mobile de gériatrie à l’hôpital Édouard Herriot. De quoi stimuler son désir de savoirs et de découverte. La voilà passée de l’enfant à la personne âgée, plus que jamais disposée à développer la recherche dans son nouvel environnement professionnel. « Pour moi, être infirmière c’est adopter une approche globale, holistique du patient. » À ce nouveau poste, elle retrouve un contact plus soutenu avec le patient. Elle apprend l’évaluation gériatrique standardisée, qui requiert de prendre en compte toutes les dimensions physiques, cognitives, mentales du patient, et aussi, son environnement social, personnel et familial. « J’ai pu alors me servir pleinement de mes compétences d’infirmière et d’ARC. »
En 2021, elle intègre la Cellule d’urgence parcours personnes âgées (CUPPA) de l’hôpital qui lui permet d’accompagner les patients de plus de 75 ans dans leurs parcours de santé et, principalement, ceux atteints de maladies chroniques. L’année suivante, elle reprend les études afin d’obtenir un master en pratique avancée. Et, en 2024, elle devient officiellement infirmière en pratique avancée (IPA) mention pathologie chronique stabilisée.
Un processus vertueux
Convaincue que la recherche infirmière est essentielle pour faire avancer les pratiques, le soin, les connaissances et l’organisation, elle entame une étude pilote qui deviendra plus tard le projet de recherche Correspage, projet d’envergure nationale visant à évaluer l’impact de la formation des correspondants gériatriques dans les services hospitaliers hors gériatrie. Grâce à son expérience de recherche bibliographique, elle a su diffuser autour d’elle cette culture de la recherche et initier une impulsion qui perdure encore aujourd’hui dans l’équipe mobile de gériatrie.
Réfléchir, comprendre pourquoi tel soin est recommandé dans telle situation, se tenir informée des dernières évolutions, s’inspirer d’autres expériences, éviter la routine et garder un regard critique sur son activité... C’est aujourd’hui encore ce qui définit sa manière d’exercer et alimente son activité de recherche.
En marge de son activité clinique et de recherche, elle intervient à l’institut de formation en sciences infirmières Esquirol, devant les étudiants de deuxième année, pour les sensibiliser à la recherche.
Il appartient aux infirmiers de proposer des sujets de recherche qui vont améliorer les soins. On peut faire de la recherche sans être nécessairement IPA, avec le soutien de l’institution. De par mon parcours, il me semble évident que dans un CHU et avec une formation universitarisée, du temps soit libéré pour la recherche infirmière, à l’instar de la recherche médicale. C’est d’ailleurs la volonté des HCL de promouvoir la recherche paramédicale et cela m’enthousiasme. Néanmoins, pour les paramédicaux il est encore difficile de dégager du temps. J’ai espoir que cela change dans les prochaines années avec le soutien de la direction, indique Éléonore Brocard.
Pour Éléonore Brocard, il ne fait pas de doute que promouvoir la recherche ne peut être que vertueux. « J’ai envie de donner envie. Je ne suis pas plus intelligente qu’une autre. La recherche est un processus. Une fois que l’on a mis le pied à l’étrier, il est difficile de s’en défaire. Choisir un sujet d’étude, observer et voir ce que ça va donner est une aventure extraordinaire. »
*Florence Nightingale est l'une des fondatrices des soins infirmiers modernes. Elle a également créé la première école de formation infirmière à Londres en 1860. En plus d'être une figure majeure des soins infirmiers, elle est décrite comme une brillante statisticienne et une féministe engagée. La Journée internationale des infirmières est célébrée chaque année le 12 mai, jour de sa date de naissance.
- Recherche clinique - Rubrique
- Premiers pas en recherche paramédicale, Jennifer Masseau, IPA en oncologie - Actualité

Pour Éléonore Brocard, "être infirmière, c’est adopter une approche globale, holistique du patient".