Les biomarqueurs : nouvel horizon de la neurologie

Et si demain, on pouvait prévoir l’évolution d’une maladie neurodégénérative ? Personnaliser le traitement en fonction de la tumeur du patient ? Prévenir l’apparition d’un dysfonctionnement du métabolisme ?

Comme la cancérologie avant elle qui a réussi à convertir des pathologies hier incurables en maladies chroniques, la neurologie connaît actuellement une évolution très prometteuse que l’on doit à la découverte de nouveaux biomarqueurs. Désormais, qu’ils soient biologiques, électrophysiologiques ou issus de l’imagerie, les biomarqueurs sont devenus incontournables pour poser un diagnostic, évaluer un pronostic ou prédire la sensibilité à un traitement et en suivre l’évolution.

En neurologie, ils sont devenus pertinents aussi bien dans la prise en charge des maladies neurologiques dégénératives (Parkinson, Alzheimer, SLA) que tumorales (primitives ou métastases), inflammatoires (SEP), dysfonctionnelles (épilepsie) ou traumatiques (accidents de la vie). À tel point qu’ils ont transformé la discipline et permis le développement de nouvelles thérapeutiques.

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Dr Thiébaud Picart, neurochirurgien

 

Par exemple, la caractérisation du profil moléculaire des gliomes, ces tumeurs cérébrales primitives de l’adulte, a permis de discriminer ces derniers en plusieurs sous- groupes, avec des évolutions, des pronostics et des réponses aux traitements différents, ouvrant la voie à des stratégies thérapeutiques en cours d’évaluation.

Lorsqu’ils sont de nature biologique, ils sont détectés dans les liquides de l’organisme ou à partir d’un échantillon tissulaire (biopsie p.e.). Par exemple, les biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer détectés dans le liquide cérébrospinal ont permis d'identifier l'existence d'une cible thérapeutique chez le patient et de mesurer l'impact des traitements. La neuro-imagerie permet quant à elle de détecter des marqueurs anatomiques ou des dysfonctionnements métaboliques (1) (lire encadré).

Ces biomarqueurs permettent d’obtenir des données mesurables et accessibles apportant une « indication prédictive, diagnostique et pronostique sur un processus pathologique et sa réponse à une stratégie thérapeutique », définit l’académie de médecine. Ainsi, la présence ou l’activité de tel biomarqueur sera associée à telle maladie. Par exemple, les plaques séniles composées de peptides beta-amyloïdes sont le signe d’une maladie d’Alzheimer, au même titre que les pertes neuronales et synaptiques.

Pour découvrir de nouveaux biomarqueurs, il faut comprendre les mécanismes moléculaires, cellulaires et tissulaires qui sous-tendent les pathologies. Caractériser la nature cellulaire des tumeurs cérébrales, c’est justement ce à quoi s’applique le Dr Thiébaud Picart, neurochirurgien, qui s’intéresse à la dimension moléculaire des tumeurs cérébrales qu’il opère(2). Pour étendre ses connaissances en histologie – soit l’étude de la structure microscopique des tissus et des cellules qui les composent–, le neurochirurgien a déjà passé une année comme assistant au Centre de biologie et de pathologie Est, sous la direction du Pr David Meyronet. Puis il a poursuivi une thèse de science en biologie moléculaire intégrative et cellulaire qu’il a soutenue avec succès en avril 2023.

Aujourd’hui, ses recherches portent notamment sur les cellules souches des gliomes (tumeurs cérébrales), encore méconnues. Un autre travail de recherche, conduit à l’aide d’un endomicroscope confocal(3), étudie les « berges » de la cavité de résection, cette zone d’allure saine mais infiltrée par les cellules tumorales, invisibles à l’œil nu, à l’origine de récidives. « Demain », projette Thiébaud Picart, « on pourrait imaginer la fabrication de biomédicaments qui viendraient attaquer et déjouer les mécanismes de défense des cellules cancéreuses. »

« À partir de la découverte de nouveaux biomarqueurs, nous créerons des bases de données de nouvelle génération. L'intégration de ces nouveaux biomarqueurs et des bases de données traitées par l’intelligence artificielle permettra de concevoir des essais cliniques et d'affiner les prescriptions thérapeutiques », augure à son tour le Pr Jérôme Honnorat, responsable du Centre de référence national des syndromes neurologiques paranéoplasiques et encéphalites auto-immunes, et l’un des leaders mondiaux dans son domaine de recherche.

Soit des diagnostics plus précoces et des thérapies personnalisées grâce à l’acquisition et au traitement d’informations anatomiques, fonctionnelles et métaboliques propres à chaque patient.

« Cette médecine participative se développera en suivant les patients tout au long de leur prise en charge en vie réelle et en comprenant les conséquences individuelles des traitements proposés, ainsi que leur impact sur la qualité de vie », précise encore le neurologue.



« L’hypothèse est que les mécanismes de réorganisation des neurones impactent la progression tumorale. » Ces recherches translationnelles, qui font le lien entre la molécule, la cellule et le vécu du patient, ouvrent la voie à la découverte de nouveaux biomarqueurs ; qui aideront, veut- on croire, à obtenir, demain, un diagnostic, un pronostic et un suivi sur-mesure pour tous les patients.




(1) Les maladies liées au métabolisme empêchent la bonne transformation des sucres, des graisses et des protéines par l'organisme. Le diabète est une maladie métabolique.

(2) Lire aussi Chirurgie éveillée : opérer avec l'aide du patient

(3) L’hôpital Pierre Wertheimer est le seul centre de neurochirurgie en France à être doté d’un tel appareil. Il a été financé en partie par la Fondation HCL, qui a mobilisé les entreprises et les particuliers dans le cadre de ses campagnes de collecte en 2019.

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Imagerie multimodale : la neurologie en haute résolution

Les différentes techniques d’imagerie fonctionnelle étudient in vivo le fonctionnement du cerveau. L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et la tomographie par émission de positons (TEP) mesurent les propriétés physiques de la circulation sanguine induites par l’activité neuronale. Toutes deux bénéficient d’une haute résolution spatiale de quelques millimètres mais une résolution temporelle faible de quelques secondes voire de minutes, tandis que l’électroencéphalogramme (EEG) et la magnétoencéphalographie (MEG) mesurent l’activité électromagnétique neuronale avec une très haute résolution temporelle de l’ordre de la milliseconde, mais avec une résolution spatiale plus faible de quelques millimètres au centimètre. C’est la combinaison de ces techniques qui permet d’atteindre une haute résolution temporelle et spatiale. Cette imagerie multimodale permet par exemple de délimiter la zone du foyer épileptique à traiter avant l’intervention chirurgicale, l’épilepsie induisant des variations de débit sanguin. Implanté sur le site du GHE, le Cermep est la plateforme d’imagerie in vivo des HCL ouverte aux praticiens et chercheurs du monde académique et industriel. Elle combine la multimodalité des imageries, la capacité de conduire des recherches en imagerie en lien avec des laboratoires associés, ainsi qu’une radiopharmacie permettant le développement et la production de molécules radioactives radiopharmaceutiques.

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